Communiqué de presse

ALMA observe une supernova, véritable usine à poussière

6 janvier 2014

D'étonnantes observations récemment effectuées au moyen du Vaste Réseau d’Antennes (Sub-)Millimétriques de l'Atacama (ALMA) détectent, pour la toute première fois, les vestiges d'une jeune supernova regorgeant de poussière fraîchement créée. Si une quantité suffisante de cette poussière parvenait à s'échapper dans l'espace interstellaire, la raison pour laquelle tant de galaxies nous apparaissent sombres et poussiéreuses s'en trouverait probablement expliquée.

Les galaxies sont susceptibles d'abriter de grandes quantités de poussière [1] dont les supernovae constituent vraisemblablement la source principale, au sein de l'Univers jeune notamment. Mais les preuves directes des capacités d'une supernova à fabriquer de la poussière sont longtemps demeurées minces et ne pouvaient rendre compte des vastes quantités de poussière détectées dans les galaxies jeunes et distantes à la fois. Les récentes observations d'ALMA apportent de nouveaux éléments.

« Nous avons découvert l'existence d'une vaste concentration de poussière au cœur des éjectas d'une supernova relativement jeune et proche de nous » révèle Remy Indebetouw, astronome à l'Observatoire National de Radio Astronomie (NRAO) ainsi qu'à l'Université de Virginie, tous deux situés à Charlottesville, Etats-Unis. « C'est la toute première fois que nous sommes en mesure d'observer l'endroit même où la poussière se forme, ce qui constitue un pas important vers la compréhension de l'évolution des galaxies ».

Une équipe internationale d'astronomes a utilisé ALMA pour observer les vestiges lumineux de la Supernova 1987A [2] dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie naine qui tourne en orbite autour de la Voie Lactée à quelques 160 000 années lumière de la Terre. SN 1987A constitue la seconde explosion de supernova la plus proche de la Terre, après celle observée dans la Voie Lactée par Johannes Kepler en 1604.

Les astronomes avaient prévu que le refroidissement du gaz après l'explosion se traduisait par l'agglomération d'atomes d'oxygène, de carbone et de silicium, et donc la formation de vastes quantités de poussière dans les régions froides et centrales du reste de supernova. Toutefois, les observations antérieures de SN 1987A effectuées au moyen de télescopes infrarouge dans les 500 jours qui ont suivi l'explosion, n'avaient permis de détecter qu'une faible quantité de poussière chaude.

La résolution et la sensibilité inégalées d'ALMA ont permis à l'équipe de chercheurs de photographier une quantité bien plus importante de poussière froide qui émet un rayonnement intense dans les domaines millimétrique et submillimétrique. Les astronomes estiment que le résidu de l'explosion renferme à présent une quantité de poussière nouvellement formée équivalant à environ 25% de masse solaire. Ils ont également détecté la présence, en quantités significatives, de monoxyde de carbone et de monoxyde de silicium récemment créés eux aussi.

« SN 1987A constitue un cas particulier puisque son contenu n'a pas été mélangé à l'espace environnant ; ce que nous y trouvons y a donc été créé » précise Remy Indebetouw. « Les nouveaux résultats d'ALMA, inédits en leur genre, révèlent l'existence, au sein des restes de l'explosion d'une supernova, d'une vaste quantité de matière inexistante il y a quelques décennies à peine."

Toutefois, les supernovae sont tout autant capables de créer que de détruire les grains de poussière.

Le site de la supernova est entouré par des anneaux brillants de matière qui ont été vus au cours de précédentes observations effectuées avec le télescope spatial NASA/ESA Hubble. A l'origine, ils ont été illuminés par les émissions de rayonnement ultraviolet provenant de l'explosion originelle, mais au cours de ces dernières années l'anneau de matière est devenu considérablement plus lumineux du fait des collisions avec l'onde de choc en expansion. Après avoir heurté cette enveloppe de gaz, expulsée par l'étoile génitrice alors qu'elle approchait de sa fin, une fraction de cette puissante explosion a rebondi vers le centre du reste de supernova. « A un moment donné, le rebond de cette onde de choc percutera les amas denses de poussière nouvellement formée », précise Remy Indebetouw. « Il est probable qu'une fraction de poussière s'en trouvera expulsée. Difficile d'en prévoir la quantité : peut-être une faible portion, sans doute la moitié, voire les deux tiers. » Si une fraction non négligeable survit dans l'espace interstellaire, cela pourrait expliquer l'existence de vastes quantités de poussière que les astronomes détectent dans l'Univers jeune. 

« Les premières galaxies sont incroyablement poussiéreuses et cette poussière joue un rôle crucial dans l'évolution des galaxies » nous dit Mikako Matsuura de l'University College de Londres au Royaume-Uni. « Nous savons qu'il existe, à l'heure actuelle, plusieurs scénarii de formation de la poussière, mais les supernovae en ont constitué la source principale dans l'Univers jeune. Nous disposons enfin aujourd'hui des preuves de cette théorie. »

Notes

[1] La poussière cosmique est constituée de grains de silicate et de graphite – des minéraux également présents en abondance sur Terre. La suie d'une bougie est très semblable aux grains de graphite cosmique – toutefois, la taille des grains de suie est plus de dix fois supérieure à celle des grains de graphite cosmique.

[2] La lumière en provenance de cette supernova a atteint la Terre en 1987, comme l'indique son nom.

Plus d'informations

ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) est un équipement international pour l'astronomie. Il est le fruit d'un partenariat entre l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie de l'Est en coopération avec la République du Chili. ALMA est financé en Europe par l'ESO (Observatoire Européen Austral), en Amérique du Nord par la NSF (Fondation Nationale de la Science) en coopération avec le NRC (Conseil National de la Recherche au Canada) et le NSC (Conseil National de la Science à Taïwan), en Asie de l'Est par les Instituts Nationaux des Sciences Naturelles (NINS) du Japon avec l'Academia Sinica (AS) à Taïwan. La construction et les opérations d'ALMA sont pilotées par l'ESO pour l'Europe, par le National Radio Astronomy Observatory (NRAO), dirigé par Associated Universities, Inc. (AUI) pour l'Amérique du Nord et par le National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ) pour l'Asie de l'Est. L'Observatoire commun ALMA (JAO pour Joint ALMA Observatory) apporte un leadership et un management unifiés pour la construction, la mise en service et l'exploitation d'ALMA.

Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé "Dust Production and Particle Acceleration in Supernova 1987A Revealed with ALMA", par R. Indebetouw et al., à paraître dans la revue Astrophysical Journal Letters.

L'équipe est constituée de R. Indebetouw (Observatoire National de RadioAstronomie (NRAO) ; Université de Virginie, Charlottesville, Etats-Unis), M. Matsuura (University College de Londres, Royaume-Uni [UCL]), E. Dwek (Centre Goddard des Vols Spatiaux de la NASA, Greenbelt, Etats-Unis), G. Zanardo (Centre International de Recherche en RadioAstronomie, Université d'Australie Occidentale, Crawley, Australie [ICRAR]), M.J. Barlow (UCL), M. Baes (Observatoire Astronomique de Gant, Gant, Belgique), P. Bouchet (CEA-Saclay, Gif-sur-Yvette, France), D.N. Burrows (Université d'Etat de Pennsylvanie, University Park, Etats-Unis), R. Chevalier (Université de Virginie, Charlottesville, Etats-Unis), G.C. Clayton (Université de l'Etat de Louisiane, Baton Rouge, Etats-Unis), C. Fransson (Université de Stockholm, Suède), B. Gaensler (Conseil de la Recherche Australienne Centre d'Excellence en Astrophysique [CAASTRO]; Institut d'Astronomie de Sydney, Université de Sydney, Australie), R. Kirshner (Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian, Cambridge, Etats-Unis), M.Lakicevic (Laboratoires Lennard-Jones, Université de Keele, Royaume-Uni), K.S. Long (Institut des Sciences Spatiales, Baltimore, Etats-Unis [STScI]), P. Lundqvist (Université de Stockholm, Suède), I. Martí-Vidal (Université de Technologie Chalmers, Observatoire Spatial Onsala, Onsala, Suède), J. Marcaide (Université de Valence, Burjassot, Espagne), R. McCray (Université du Colorado à Boulder, Etats-Unis), M. Meixner (STScI; Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis), C.-Y. Ng (Université de Hong Kong, Hong Kong), S. Park (Université du Texas à Arlington, Arlington, Etats-Unis), G. Sonneborn (STScI), L. Staveley-Smith (ICRAR; CAASTRO), C. Vlahakis (Observatoire Unifié ALMA / Observatoire du Ciel Austral, Santiago, Chili) et J. van Loon (Laboratoires Lennard-Jones, Université de Keele, Royaume-Uni).

L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».

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Remy Indebetouw
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Ce texte est une traduction du communiqué de presse de l'ESO eso1401.

A propos du communiqué de presse

Communiqué de presse N°:eso1401fr
Nom:SN 1987A
Type:Local Universe : Star : Evolutionary Stage : Supernova
Facility:Atacama Large Millimeter/submillimeter Array
Science data:2014ApJ...782L...2I

Images

Image composée de la Supernova 1987A
Image composée de la Supernova 1987A
Vue d’artiste de la supernova 1987A
Vue d’artiste de la supernova 1987A
Portrait d'un dramatique berceau stellaire
Portrait d'un dramatique berceau stellaire