Communiqué de presse

APEX observe des nuages sombres dans le Taureau

Formation d'étoiles dans des « régions sombres du ciel »

15 février 2012

Une nouvelle image prise par le télescope APEX (Atacama Pathfinder Experiment) au Chili montre l'existence d'un filament sinueux de poussière cosmique d'une longueur supérieure à dix années-lumière. En son sein se cachent de jeunes étoiles et des nuages denses de gaz sont sur le point de s'effondrer et de former de nouvelles étoiles. Il s'agit de l'une des régions de formation stellaire les plus proches de nous. Les grains de poussière cosmique sont si froids que des observations à des longueurs d'onde d’environ un millimètre, telles celles effectuées avec la caméra LABOCA qui équipe APEX, sont requises pour détecter leur faible luminosité.

Le Nuage moléculaire du Taureau, dans la constellation du Taureau, se situe à environ 450 années-lumière de la Terre. Cette image montre les deux parties – baptisées Barnard 211 et Barnard 213 – d'une structure filamentaire de grande dimension observée dans ce nuage. Leurs appellations proviennent de l'atlas photographique des « structures sombres du ciel » compilé au tout début du XXe siècle par Edward Emerson Barnard. Dans le domaine visible, ces régions ressemblent à des bandes sombres, dépourvues d'étoiles. Barnard soutenait à juste titre que cette apparence était due à une « matière opaque dans l'espace ».

Nous savons aujourd'hui que ces régions sombres sont en fait constituées de nuages de gaz interstellaire et de grains de poussière. Les grains de poussière – de minuscules particules semblables à de la suie et du sable fin – absorbent la lumière visible, dissimulant ainsi le vaste champ d'étoiles situé au-delà des nuages. Le Nuage moléculaire du Taureau est particulièrement sombre dans les longueurs d'onde visibles parce qu'il est dépourvu d’étoiles massives qui illuminent, habituellement, les régions de formation stellaire, telle que la nébuleuse d'Orion (voir par exemple eso1103). Certes, les grains de poussière émettent bien une faible lueur ; toutefois, celle-ci ne peut être observée que dans les longueurs d'onde de l’ordre du millimètre, donc bien plus longues que celles de la lumière visible, étant donnée leur température extrêmement basse, voisine de -260 degrés Celsius (la comparaison entre les images eso1209b et eso1209ea permet de constater à quel point une image prise dans la bande millimétrique apparaît lumineuse alors que l’image prise dans le visible apparaît sombre et obscure).

Les nuages de gaz et de poussière ne constituent pas seulement un obstacle pour les astronomes désireux d'observer les étoiles situées au-delà. En réalité, ils abritent eux-mêmes les nurseries de nouvelles étoiles. Lorsque les nuages s'effondrent sous l'effet de leur propre gravité, ils se fragmentent en morceaux : au sein de ces morceaux, des noyaux denses peuvent se former, dans lesquels l'hydrogène devient dense et suffisamment chaud pour initier le cycle des réactions nucléaires : une nouvelle étoile est née. L'étoile naissante se trouve entourée d'un cocon de poussière dense, qui empêche les observations dans le domaine visible. Raison pour laquelle les observations à des longueurs d'onde plus grandes, dans le domaine millimétrique en l'occurrence, sont essentielles pour comprendre les toutes premières étapes de la formation stellaire.

La partie supérieure droite du filament que l’on voit sur cette image est Barnard 211, alors que la partie inférieure gauche  correspond à Barnard 213. Les observations effectuées dans le domaine millimétrique à l'aide de la caméra LABOCA installée sur APEX révèlent le rayonnement de chaleur des grains de poussière cosmique, montré sur cette image dans les tons orange. Ces observations sont superposées à une image du fond du ciel, riche en étoiles, prise dans le domaine visible. L'étoile brillante située au-dessus du filament est φ Tauri ; l'étoile partiellement visible à l'extrémité gauche de l'image est HD 27482. Ces deux étoiles sont plus proches de la Terre que ne l’est le filament, et ne lui sont donc pas associées.

Les observations montrent que le filament Barnard 213 s'est déjà fragmenté et a formé des noyaux denses– comme en témoignent les nœuds brillants de poussière rougeoyante. Elles révèlent également que le processus de formation stellaire a démarré. Le filament Barnard 211 est à un stade évolutif plus précoce en revanche : l'effondrement et la fragmentation sont toujours en cours et conduiront ultérieurement à la formation d'étoiles. Cette région du ciel constitue donc, pour les astronomes, une excellente source de compréhension du rôle crucial des « régions sombres du ciel » référencées par Barnard dans le cycle de vie des étoiles.

Les observations ont été effectuées par Alvaro Hacar (Observatorio Astronómico Nacional-IGN, Madrid, Espagne) et ses collaborateurs. La caméra LABOCA est installée sur le télescope APEX de 12 mètres, sur le plateau de Chajnantor dans les Andes chiliennes, à une altitude de 5000 mètres. APEX est le précurseur de la prochaine génération de télescopes submillimétriques, ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), en cours de construction sur le même plateau.

Plus d'informations

APEX est une collaboration entre le Max-Planck-Institut für Radioastronomie (MPIfR), l'Onsala Space Observatory (OSO), et l'ESO. Son exploitation est confiée à l'ESO.

ALMA (The Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), un équipement international pour l'astronomie est le fruit d'un partenariat entre l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie de l'Est en coopération avec la République du Chili. La construction et la gestion d'ALMA sont dirigées par l'ESO pour l'Europe, par le National Radio Astronomy Observatory (NRAO) pour l'Amérique du Nord et par le National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ) pour l'Asie de l'Est. L'Observatoire commun ALMA (JAO pour Joint ALMA Observatory) apporte un leadership et un management unifiés pour la construction, la mise en service et l'exploitation d'ALMA.

L'année 2012 marque le 50e anniversaire de la création de l'Observatoire Européen Austral (ESO). L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 40 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ». 

Liens

Contacts

Alvaro Hacar González
Observatorio Astronómico Nacional (OAN-IGN)
Madrid, Spain
Tél: +34 915270107 ext 326
Courriel: a.hacar@oan.es

Mario Tafalla
Observatorio Astronómico Nacional (OAN-IGN)
Madrid, Spain
Tél: +34 915270107 ext 337
Courriel: m.tafalla@oan.es

Douglas Pierce-Price
ESO ALMA/APEX Public Information Officer
Garching, Germany
Tél: +49 89 3200 6759
Courriel: dpiercep@eso.org

Thierry Botti (contact presse pour la France)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO et Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
Marseille, France
Tél: +33 4 95 04 41 06
Courriel: eson-france@eso.org

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Ce texte est une traduction du communiqué de presse de l'ESO eso1209.

A propos du communiqué de presse

Communiqué de presse N°:eso1209fr
Nom:Barnard 211, Barnard 213
Type:Milky Way : Nebula : Appearance : Dark : Molecular Cloud
Facility:Atacama Pathfinder Experiment
Instruments:LABOCA

Images

Image APEX d'un filament d'étoiles en formation dans le Taureau
Image APEX d'un filament d'étoiles en formation dans le Taureau
Millimetre-range and visible-light views of a star-forming filament in Taurus
Millimetre-range and visible-light views of a star-forming filament in Taurus
Seulement en anglais
Diagram showing the position of Barnard 211 and Barnard 213 in Taurus
Diagram showing the position of Barnard 211 and Barnard 213 in Taurus
Seulement en anglais
Digitized Sky Survey image of part of the Taurus molecular cloud
Digitized Sky Survey image of part of the Taurus molecular cloud
Seulement en anglais

Vidéos

APEX Turns its Eye to Dark Clouds in Taurus (zoom)
APEX Turns its Eye to Dark Clouds in Taurus (zoom)
Seulement en anglais
APEX Turns its Eye to Dark Clouds in Taurus (pan)
APEX Turns its Eye to Dark Clouds in Taurus (pan)
Seulement en anglais

Comparaisons d'images

Comparaison du filament de formation d'étoiles du Taureau entre les observations dans le millimètre et dans la lumière visible
Comparaison du filament de formation d'étoiles du Taureau entre les observations dans le millimètre et dans la lumière visible